La publication par le CSP (conseil supérieur des programmes) des projets de rénovations de l’enseignement scientifique destinés à tous les élèves de 1ère et de Terminale annonce plusieurs modifications. Terminée l’étude du bilan thermique du corps humain, place à la découverte de l’équilibre alimentaire, à la gestion de l’eau et aux énergies renouvelables. Le nouveau programme de 1ère détaille davantage la radioactivité ainsi que le statut des virus dans le vivant. Amiante, terres rares, cellules souches, métaux lourds et cancers de la peau sont aussi ajoutés. Tour d’horizon des changements pour la classe de 1ère. Lire la suite dans le Café pédagogique.
« Une architecture générale conservée »
Le groupe de 13 experts a donc officiellement travaillé sur « cette rénovation » pendant 2 mois. « L’architecture générale des programmes en vigueur a été conservée », communique le CSP. « La nouvelle organisation des programmes vise à faciliter le travail du professeur dans la mise en œuvre des objectifs ». Pour chaque notion, le projet de 21 pages donne des exemples traitables en classe sur la nature du savoir scientifique mais aussi des sujets actuels de société et d’environnement comme le projet ITER de Cadarache sur l’énergie, l’exposition à l’amiante ou encore les dangers du soleil pour la peau. Cette nouvelle version sera déjà la 3ème après celle de 2019 puis le changement de 2020. Les propositions « Histoire, enjeux, débats » auparavant placées en entête sont désormais recalées après les objectifs et les savoirs.
Le préambule du programme se veut moins alarmiste sur la planète. Par exemple la phrase : « la présence humaine modifie le climat ; ses déchets s’accumulent et son utilisation des ressources naturelles est massive » de la version 2020 devient en 2023 « Les activités humaines utilisent massivement des ressources naturelles et produisent des déchets. Elles peuvent modifier les équilibres à l’échelle de la planète (biodiversité, climat, etc.) ». De la même manière, à la page 5, le programme de culture scientifique ne parle plus de « contrôler l’évolution des sociétés » mais simplement de « limiter les aspects négatifs de ces évolutions ».
Le but de l’enseignement scientifique est qualifié désormais de « solide ancrage » pour les élèves destinés aux études scientifiques et non plus un « point d’appui ». De nouveaux « mots-clés » dans les objectifs généraux de formation sont apparus comme « analyser, proposer, tester ou créer des scénarios ». La nouvelle mouture réitère « une place réservée à l’observation et à l’expérience en laboratoire » avec une pratique expérimentale des élèves qualifiée d’essentielle. Malheureusement, la plupart des enseignants de sciences se retrouvent dans des salles banalisées avec 35 lycéens pour mettre en œuvre ce programme. Sans effectifs allégés, ces séances se limitent à de l’analyse documentaire dans de nombreux établissements.
Quoi de neuf docteur ?
Dans les 4 thèmes du programme, entre ajout et suppression, il vaut mieux se munir d’un fluo pour viser les changements. Pour le thème « une longue histoire de la matière », les lycéens de 1ère sont désormais invités à expliquer l’utilisation de noyaux radioactifs dans un contexte médical et citer des précautions à prendre pour utiliser des substances radioactives. L’enjeu des terres rares et de la recherche nucléaire sont clairement exprimés. Dans le chapitre sur la cellule, les enseignants de SVT n’auront plus à expliquer la bicouche lipidique de la membrane plasmique. La discussion du statut des virus : vivants ou non vivants s’invite dans les programmes. Les lycéens sont aussi conviés à travailler les questions bioéthiques autour des cellules souches et de la thérapie cellulaire.
Le thème II sur le soleil voit la suppression de l’étude du bilan thermique du corps humain. Ces notions en lien avec l’activité physique mettaient pourtant souvent en appétit les élèves. Dans la partie photosynthèse, l’étude des molécules organiques aboutit in fine à l’étude de l’équilibre alimentaire, de la dénutrition, des maladies cardiovasculaires, diabète ou obésité. « Les bases scientifiques des principes diététiques » et « les comportements alimentaires et leurs effets pour soi et pour la planète » sont désormais écrits dans les programmes. Qui dit suppression, dit ajout … Une 4ème partie vient enrichir le thème II avec « une approche méthodique de la notion de source d’énergie renouvelable ou non renouvelable ».
Le thème sur la planète Terre a peu évolué si ce n’est l’ajout de l’étude de la répartition l’eau sur Terre et de « la protection des réserves hydriques ». Enfin, le thème 4 portant sur le son, la musique et l’audition voit la partie « son et musique » fusionner. Les gammes dites de Pythagore sont mises à l’écart. Les lycéens sont invités à « enregistrer les ultrasons de la nature ». Le programme évoque aussi « l’obsolescence des supports de stockage de l’information » et « les enjeux écologiques de l’économie du numérique ». L’étude des pathologies auditives et l’évolution des innovations technologiques permettant d’entendre sont affichés.
Flèche double et 12 h de projet
Les experts, à l’origine de la nouvelle mouture, ont utilisé 45 fois la flèche double dans la colonne des savoir-faire pour indiquer les liens possibles avec les mathématiques. « Ce lien vise à souligner également que le formalisme mathématique utilisé revêt un caractère universel ».
Le programme rénové ne supprime pas le projet expérimental et numérique. « Ce travail se déroule sur une douzaine d’heures, contiguës ou réparties au long de l’année. Il s’organise dans les conditions matérielles qui permettent un travail pratique effectif en petits groupes d’élèves ». Sur ce dernier point, les effectifs à plus de 35 élèves et un seul enseignant ne permettent pas ce qu’offrait le cadre des TPE (travaux personnels encadrés).
Les réactions des enseignants ne se font pas attendre sur ces projets. « Comment intéresser les élèves avec un programme pareil ? », note une enseignante qui réclame de la physiologie humaine. « Qui a été consulté là-dessus ? », questionne un autre.
Pour conclure, cette rénovation du programme d’enseignement scientifique en 1ère pose « la question de la dimension sociale et culturelle de la construction du savoir scientifique ». Le projet invite à étudier la place des femmes dans l’histoire des sciences.
Julien Cabioch