FEI 11 : 100 pépites pédagogiques mises en lumière
Réunir 100 professeurs innovants dans une même salle n’est pas sans effervescence ! La 11ème édition du forum des enseignants innovants organisée par le Café pédagogique et Libération a révélé 100 projets pédagogiques d’enseignants du primaire et du secondaire. Devant Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, et un jury de 10 associations professionnelles (APBG, Assetec, APLV, APV, APHG, Pepsteam, APMep, Afef, UDPPC et l’Apses), les enseignants ont expliqué leur démarche. Ce temps convivial et joyeux crée du lien entre les enseignants présents et valorise le travail effectué en classe pour éduquer les élèves. Retour sur cette journée stimulante vécue au parc des expositions de la Porte de Versailles. Lire l’article en ligne sur le Café pédagogique.
« Nous sommes fiers de pouvoir montrer le vrai visage de l’école. Celui d’une école soucieuse de la réussite des élèves, inventive, capable de transmettre non seulement les connaissances scolaires, mais aussi la culture et les valeurs démocratiques », introduit François Jarraud, rédacteur en chef du Café pédagogique. « Vous avez décidé de préférer l’innovation à la résignation. Votre école est en mouvement permanent », lance Paul Quinio, directeur de la rédaction de Libération, partenaire de l’événement. A l’issue de la journée d’échanges, quelques enseignants recevront des prix symboliques remis par les pairs.
Grand prix du Forum des enseignants innovants
L’apprentissage de la langue des signes dès l’école maternelle est l’idée de projet qui a convaincu le jury du forum pour le grand prix de cette 11ème édition. Avec cette initiative, Agnès Henrion, enseignante en école maternelle à Haucourt-Moulaine (54) « débloque la parole chez certains enfants (introvertis, primo-arrivants, dysphasiques, autistes), facilite la mémorisation des lettres de l’alphabet, développe l’observation, l’attention et la mémorisation, crée cohésion et sérénité au sein de l’école ».
Grand prix du public
Les élèves nommés « Makers solidaires de la Roche des Grées » et emmenés par Erwan Vappreau, enseignant en CM1-CM2 à Messac (35) remporte le grand prix du public. L’idée est de mettre l’impression 3D au cœur de projets « pour donner du sens à de nombreux apprentissages fondamentaux et transversaux, mais c’est aussi un moyen d’allier le mieux vivre ensemble et l’action citoyenne », souligne l’enseignant. Non sans émotion, Erwan Vappreau expose les travaux de ses élèves conçus pour aider les autres comme la prothèse de main, des tableaux de musée rendus tactiles ou encore une éolienne pour les collégiens.
Les prix du public
L’opération Cousteau de Jérôme Guinot, enseignant d’EPS dans les Côtes d’Armor a séduit le public. « Ce projet interdisciplinaire veut sensibiliser les élèves à la préservation de l’environnement, à travers une randonnée palmée et une exploration scientifique de la plage à marée basse ». Marie Soulié, enseignante de français au collège Daniel Argote à Orthez est une nouvelle fois primée pour les voyages littéraires proposés à ses élèves de 6ème. Récompense aussi pour Françoise Leclaire, enseignante en maternelle pour son projet « Livre-ensemble » qui est centré sur la valorisation des langues familiales comme vecteur de reconnaissance sociale. « Les parents deviennent co-animateurs d’activités d’éveil aux langues dans les classes à partir d’un album travaillé en plusieurs langues ». Le 4ème prix public revient à Sandrine Combret pour son cluedo scientifique mené au lycée agricole de Pixérécourt à Malzéville. « Le jeu destiné aux lycéens a été aussi adapté aux classes de 3ème ».
Les prix du jury
Les représentants des 10 associations professionnelles ont scruté les projets et échangé avec les enseignants pour faire leur sélection. Le projet de Céline Canard nommé ProblemaTwitt permet de faire progresser les élèves en mathématiques. « Le projet est basé sur les échanges entre les élèves et le retour sur les erreurs autour d’un problème commun ». Paul James Kirrage, enseignant en anglais au collège Rep+ Maria Casarès à Rillieux-la-pape, a pu présenter son projet au ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer. Intitulé #LyonNewDehli, les cultures des élèves français se croisent avec les collégiens indiens. « Notre projet a commencé avec un échange de lettres et quelques visioconférences avec les élèves de nos écoles partenaires en Inde. 13 mois plus tard, nos élèves ont quitté la France pour deux semaines en Inde à côté des élèves qui sont venus nous voir en France seulement 5 mois plus tôt. »
Le jury reconnait aussi le travail Laurent Bastien qui utilise l’archéologie comme « outil de réussite en Rep+ ». « Chaque apprenti archéologue de 6ème est tutoré par un lycéen qui lui explique des techniques d’archéologie. Ce même 6ème devient lui-même tuteur d’un petit de maternelle et lui explique les mêmes techniques avec ses propres mots », explique l’enseignant qui travaille avec l’INRAP. L’archéologie est doublement primée avec le projet Alba Craft de Thomas Pagotto dont l’objectif est « de reconstituer numériquement dans le jeu Minecraft la cité antique d’Alba Helvorium (échelle 1/1) à partir d’informations archéologiques partielles ». L’initiative a rassemblé de nombreux acteurs éducatifs, culturels et associatifs.
L’innovation peut-elle changer l’école ?
« L’histoire inspirante » proposée par Andrée Makidonsky a su cueillir le public en évoquant la vie de Germaine Tortel (1896-1975). « Germaine Tortel mettait l’accent sur la pédagogie du langage avec ses élèves. A travers la peinture, elle faisait réfléchir les enfants ». A l’époque l’innovation consistait à « suivre le chemin de pensée pour instituer un dialogue entre la maîtresse et la classe », insiste Andrée Makidonsky.
De leur côté, Laaldja Mahamdi, directrice d’école élémentaire à Paris et Lilia Ben Hamouda, directrice d’une école maternelle à Stains (93) exposent leurs stratégies pour amener les parents dans le quotidien de la classe. « Il est important de s’appuyer sur les compétences des parents pour faire des ponts entre l’école et la famille », souligne Lilia qui prépare actuellement une thèse sur le sujet. La pastille exotique du forum viendra de l’Equateur où Philippe Meirieu expose dans une vidéo « les innovations locales développées par les enseignants équatoriens ».
Pour Philippe Champy, auteur de Vers une nouvelle guerre scolaire (La Découverte), « il n’y a rien de nouveau à innover. La question de la promotion de la créativité venant de praticien est importante face à des injonctions de bonnes pratiques venant d’en haut », souligne l’auteur. « L’innovation ne doit pas être confondue avec la numérisation de l’école, ne l’oublions pas ! ». Yves Reuter, didacticien du français, regrette que « la culture politique et médiatique font qu’il est impossible de prendre du temps pour faire évoluer les choses. La France est un des pays qui font le plus de réformes mais qui bouge le moins », complète l’auteur d’Une école Freinet, fonctionnements et effets d’une pédagogique alternative (L’Harmattan). Il conclut « Finalement pourquoi les enseignants innovent ? Sûrement pour vivre mieux leur métier, pour avoir plus de plaisir, pour survivre et surtout pour aider leurs élèves ».
Comment enseigner l’enseignement scientifique à des profils d’élèves non volontaires et non scientifiques en classe de 1ère ?