Tout fout le camp. Même les papillons. A force de remembrements, d’engrais, de pesticides, d’assèchement de zones humides, d’agriculture intensive mais aussi d’urbanisation galopante, les milieux servant d’habitats aux invertébrés se réduisent comme peau de chagrin. Et avec eux leurs populations d’insectes de toutes espèces. A commencer par les papillons.
“On a pu observer d’autant plus facilement la diminution de leurs effectifs, pour des espèces rares mais aussi des espèces communes voire très communes, qu’ils sont étudiés depuis très longtemps”, remarque Floriane Karas, du Gretia, groupe d’étude des invertébrés armoricains basé à Rennes.
D’où l’opération engagée il y a deux ans par le Gretia pour prolonger une initiative lancée en 2004 par l’association Costarmoricaine VivArmor Nature. A savoir: inciter les jardiniers à ménager des espaces sauvages ou du moins à préserver ou semer des plantes “hôtes” favorables au développement des chenilles et papillons, à l’abri de toute agressions chimique ou mécanique.
“Il suffit de quelques mètres carrés, souligne Floriane Karas, d’un coin de nature favorable au déroulement de tout un cycle de vie”.
Dans les Côtes d’Armor, où 25% des espèces étaient en déclin, l’opération a suscité la création de 200 “refuges”. Les jardiniers ont sans doute compris le rôle essentiel que jouait le gracile lépidoptère dans leur jardin, notamment comme pollinisateur, tandis que leurs “refuges” favorisaient la biodiversité de leurs espaces naturels et une régulation des espèces. Reste maintenant au Gretia, malgré ses modestes moyens (quatre salariés formés en bio-écologie pour quelque 180 adhérents), à sensibiliser tout le grand ouest.
“Le papillon est d’abord un prétexte pour que les gens prennent conscience de ce qui se passe dans leurs jardins mais aussi leur parler du rôle des insectes et des invertébrés dans les écosystèmes”, avoue Floriane Karas, qui évoque la fertilisation des plantes mais aussi le recyclage des sols et la transformation des végétaux. Les invertébrés sont en effet depuis longtemps les parents pauvres des études zoologiques. Et un refuge doit profiter à toute une chaîne d’insectes, avec mention spéciale pour les abeilles et les bourdons qui assurent les trois quarts de la pollinisation des plantes mais dont les populations, au moins domestiques, sont elles aussi victimes ces dernières années de pertes alarmantes.
“80% des plantes cultivées qui servent à nourrir l’homme ont besoin d’être pollinisées par des insectes, indique Floriane Karas. L’enjeu à terme c’est tout simplement la survie de l’être humain”.
Pierre-Henri ALLAIN
article LIBERATION RENNES